Interview Reshad De Gerus : « J’ai glissé mon CV pour piloter l’Hypercar Alpine en WEC en 2024 »

Reshad De Gerus a Portimao en 2023 sur la grille ELMS devant sa LMP2 Cool Racing
Reshad De Gerus a Portimao en 2023 sur la grille ELMS devant sa LMP2 Cool Racing
Dernière mise à jour le octobre 21, 2023

Reshad De Gerus nous a accordé une interview ce samedi 21 octobre après midi avant la qualification des 4 heures de Portimao, dernière course de la saison d’ELMS.

Vous avez quitté la monoplace très tôt pour l’endurance. Est-ce que c’est un choix qui vous satisfait ?

Ça a été un choix judicieux pour ma part. On va dire que la monoplace, c’est vraiment quelque chose qui nous apprend les bases du pilotage.

J’ai commencé par la Formule 4 puis la formule 3 et ensuite, j’ai vraiment voulu axer carrière vers l’endurance et donc ça m’a permis d’arriver dans les LMP2, les prototypes avec de très bonnes bases et c’est pour ça que ça se passe bien.

Vous avez fait une pole position en début de saison (NDLR à Barcelone en ELMS), vous avez des coéquipiers qui sont très bons et expérimentés comme José María López mais on vous a laissé la voiture, c’était une surprise pour vous ?

C’était une surprise pour plusieurs raisons parce que premièrement, je n’avais pas roulé et n’avais pas fait de courses depuis 7 mois parce que j’avais fait qu’une première moitié de saison en ELMS en 2022 avec DUQUEINE Team.

Je voulais faire les 24h du Mans pour prendre de l’expérience, c’était mon objectif et ensuite j’ai arrêté la saison. Et donc j’ai repris qu’à Barcelone avec Cool Racing ma nouvelle équipe.

C’est sûr qu’à côté de José Maria Lopez, je ne m’attendais pas à avoir ce rôle-là. Mais on va dire que son adaptation venant de l’hypercar a la LMP2 a pris un tout petit peu de temps, forcément, c’est un pilote de renommée et il est très vite et donc on a l’équipe à trouver plus judicieux que je passe la qualif.

C’était une grande surprise déjà pour moi de devoir faire cet exercice-là, mais ça a montré qu’ils avaient confiance en moi et le choix était bon vu qu’on arrive à faire la pole !

Vous êtes dans le match pour le top 2 du championnat. Une place qualificative pour les 24h du Mans 2024 en LMP2. C’était le but du début de saison d’avoir une place qualificative ou c’était de gagner le championnat ?

Le but, c’était de gagner le championnat, forcément avec le line-up qu’on a avec l’équipe qu’on a on avait le potentiel pour ! À l’heure actuelle, on peut se battre pour la deuxième place. Donc, on va tout faire pour que ça se passe comme il faut et c’est super serré et le niveau de compétition est très relevé, tout le monde est capable de se battre pour la victoire sur chaque cours donc c’est vachement intéressant, ça me permet en tout cas moi en tant que jeune pilote de pouvoir progresser énormément.

Et après voilà, c’est une combinaison de plusieurs choses qui fait que certains on put se débrouiller plus que d’autres à certains moments de la saison. L’objectif, c’était de gagner le championnat, malheureusement, on est plus dans la course.

On est toujours dans la course pour finir sur le podium et deuxième. Donc, nous, ça serait vraiment bien et pouvoir décrocher une place supplémentaire pour Le Mans, car Cool Racing a déjà une place avec la victoire en LMP3 (NDLR la LMP3 #17 de Cool Racing à gagner le championnat ELMS LMP3 2023 et donc le ticket promis au vainqueur de cette catégorie pour les 24h du Mans 2024 en LMP2).

Ça serait bon pour l’équipe d’avoir deux voitures l’année prochaine au Mans.

Comment se passent vos collaborations avec Simon Pagenaud et José María López, ils vous donnent des conseils ?

J’ai eu la chance de rouler avec José dans la même voiture que moi, il y a Nicolas Lapierre qui roule dans la #37 (NDLR une autre voiture Cool Racing en ELMS) et la surprise de pouvoir rouler avec Simon Pagenaud pour les 24 heures du Mans !

Ces pilotes-là ont tellement d’expérience et ils m’ont apporté beaucoup. J’essaie vraiment d’apprendre le maximum avec eux et ça me permet d’avoir une progression qui est fulgurante !

Franchement, c’est agréable de travailler avec ces gens-là. Leur parcours, leurs différentes expériences dans d’autres voitures dans lesquelles ils ont pu rouler et les constructeurs avec qui ils ont pu rouler leur ont permis de comprendre ce que ces équipes-là attendent des pilotes d’usine, des Factory driver et c’est mon objectif de devenir pilote pour un constructeur.

Donc moi, c’est vraiment une expérience incroyable et on en apprend beaucoup tous les jours et c’est vachement intéressant.

Et maintenant, vous donnez des conseils à la jeune génération, Lorens Lecertua (pilote de 16 ans et fraîchement champion Alpine Europa Cup 2023) chante vos louanges dans le magazine Auto Hebdo #2434 du 18 Octobre en tant que coach tant sur le plan mental, physique que sur le pilotage. C’est important pour vous de redonner des conseils à votre tour ?

Après mon bac, j’avais différentes options pour la suite, je voulais faire une école d’ingénieur, mais ça n’a pas pu se faire avec mon planning assez chargé avec les courses et donc j’ai passé un diplôme pour devenir coach sportif.

C’était vraiment quelque chose venant de La Réunion quand je suis arrivé en métropole j’aurais aimé avoir quelqu’un qui soit là pour m’apprendre un peu les bases et me guider.

Donc, ça a été quelque chose qui m’a toujours tenu à cœur de pouvoir retransmettre ce que j’ai appris aux plus jeunes. Il faut pouvoir les faire progresser le plus rapidement possible donc ça fait deux ans que je m’occupe de Lorens et cette année il a remporté le championnat d’alpine elfe Europa Cup.

Donc c’est franchement une grosse fierté pour moi d’avoir pu l’accompagner et de continuer à l’accompagner.

Vous l’accompagnez presque sur tous les plans. Il n’y a pas que le pilotage, mais aussi la nutrition, le mental…

Les gens de l’extérieur, ils ne voient pas forcément les efforts que cela demande de piloter, on voit les pilotes roulés sur la piste à la télé, mais on ne se rend pas compte de la préparation derrière à fournir pour arriver à ce niveau-là.

Il y a la préparation physique, la préparation mentale qui rentre en jeu forcément, la nutrition, le sommeil (surtout sur les courses de 24h) donc c’est important pour moi d’apprendre cela aux plus jeunes pour leur permettre de progresser le plus rapidement possible.

De nos jours les carrières se font de plus en plus tôt, il y a quelques années si on regarde la F1 la tranche d’âge des pilotes était beaucoup plus haute, maintenant entre 18 et 20 ans les pilotes, ils arrivent au sommet.

Donc c’est vachement important pour eux de comprendre ça le plus rapidement possible parce que c’est vraiment un gain de temps je pense.

Vous êtes pilote de réserve alpine. Quelles sont vos tâches en tant que pilote de réserve en endurance ? On connaît de plus en plus le rôle le pilote de réserve en F1. Est-ce que le rôle est différent en endurance ?

C’est un peu différent parce que généralement en endurance, on n’a pas vraiment de pilote de réserve. Mais on va dire que pour des raisons un peu particulières cette année.

Alpine a voulu me prendre pour être pilote de réserve avec eux sachant que je roulais avec l’équipe cool Racing, ça a aidé la communication car Nicolas (NDLR Nicolas Lapierre est pilote officiel et de développement Alpine Endurance pour la future hypercar et roule aussi pour Cool Racing en ELMS) et donc ça permet à Alpine d’avoir un peu toutes mes données et d’avoir des retours sûr moi et mes performances en courses.

Mes tâches en tant que pilote de réserve sont premièrement d’être présent en cas de soucis d’un pilote s’il y en a un qui est blessé ou malade, je peux prendre le relais dans la voiture (NDLR prendre le relais en LMP2 en WEC).

Je prends part au meeting, au débriefing des courses, et on essaie de préparer l’avenir ensemble, même si pour l’instant rien n’est fait, l’année prochaine ils passent le cap, Alpine revient en Hypercar en WEC avec leur nouvelle voiture, ce qui va être un gros morceau pour eux.

Et oui, c’est un objectif pour moi de pouvoir faire partir un jour de cette équipe-là donc effectivement.

Est-ce que ce poste te permet aussi de prendre part au développement de la nouvelle Hypercar Alpine qui effectue en ce moment même des roulages sur différentes pistes ?

En ce moment, c’est vrai qu’ils sont en plein développement. Donc pour l’instant, ils sont vraiment focus là-dessus avec leur pilote confirmé qui ont de l’expérience dans la catégorie reine en hypercar, donc des pilotes vraiment professionnels.

Moi, je suis vraiment un pilote jeune, c’est ma première saison complète en endurance en LMP2 donc Alpine mise sur moi pour le futur, pour l’instant je me concentre sur ma formation avec Nico’, avec l’équipe cool Racing et si ça se passe bien j’espère un jour le devenir (NDLR devenir pilote officiel Alpine Hypercar).

Déjà deux participations aux 24h du Mans à 20 ans, ça aide pour l’expérience et le pilotage ?

Faire les 24 heures du Mans, c’est comme si on faisait une saison complète. En une semaine parce qu’il faut savoir que pour les 24 heures du Mans, on est pendant toute une semaine complète sur un circuit.

On a les tests le dimanche d’avant la course déjà donc c’est une semaine qui est super longue. On a des changements de conditions jour après jour donc il faut s’adapter, bien travailler avec l’équipe. C’est vraiment le moment où on crée des liens forts avec tout le monde, passer une semaine avec toute une équipe ce n’est pas rien. Et j’ai eu la chance d’avoir pu les faire deux fois déjà.

Donc je n’avais même pas 19 ans quand j’ai fait mes deux participations et c’est vraiment exceptionnel, ça permet d’apprendre énormément ! On apprend aussi à gérer une course de 24 heures parce que là en ELMS on ne fait que des courses de 4H, c’est des courses vraiment « Sprint » alors que gérer une course de 24 heures, c’est complètement différent dans l’approche., même dans les réglages de la voiture etc. On va vraiment être moins agressif dans le pilotage pendant ces courses-là. C’est vachement enrichissant. J’ai eu aussi comme on l’a évoqué la chance de pouvoir rouler avec Pagenaud. Que du positif et j’espère l’année prochaine y être encore.

Venant de la Réunion, est-ce que tu trouves que c’est plus compliqué de se faire un nom, de se faire remarquer, il faut aussi quitter l’île assez jeune pour venir rouler sur le vieux continent, est-ce que tout cela a été compliqué ?

Je pense que rien n’est facile dans la vie, après, il faut savoir ce que l’on veut. Je pense que depuis tout petit, j’ai commencé le karting quand j’avais 5 ans à la Réunion et toujours aimé ça.

J’ai essayé d’autres sports et ça ne m’a jamais plu autant que l’automobile. En 2017, quand j’avais 14 ans, j’ai pris une décision. Il fallait que je prenne une décision. J’étais conscient de ça, soit je restais à la Réunion, sur mon île et j’arrêtais le sport automobile où je venais en métropole tenter ma chance et vraiment continuer ce que j’aime et essayer d’arriver à devenir pilote professionnel.

J’ai intégré la FSA Academy où j’ai été au Mans et donc j’ai déménagé. Je suis venu habiter seul ici ça m’a beaucoup changé. Ça n’a pas été simple. Le premier hiver a été dur, mais Au final quand on voit le parcours et là où je suis à l’heure actuelle, je n’ai rien volé et que c’est mérité. Ça me fait vraiment plaisir de pouvoir rouler à ce niveau-là et de montrer des bonnes performances comme je suis en train de le faire.

C’est vraiment une fierté pour moi de pouvoir représenter la Réunion à ce niveau-là au 24h du Mans en 2022 et 2023, on ramène le drapeau de La Réunion sur la grille de départ c’est quand même quelque chose !

Il y a beaucoup de gens qui ne me connaissaient pas, par exemple cette année au Mans et je participe à l’hyperpole, il y a des pilotes professionnels sur la grille départ, j’ai démarré à côté de Kubica et Kvyat, des très gros noms, et ces gens-là ils viennent me voir et ils me disent « mais tu sors d’où toi ? Tu viens d’où ? C’est quoi ce drapeau ? » et c’est là où je leur explique la Réunion et je leur montre du coup sur Google Maps la petite île, je zoome beaucoup et je leur montre.

Et ils me disent « respect » parce que voilà, il n’y en a pas beaucoup qui aurait pu faire ce que tu as fait. Quand on a ce retour-là de ce genre de pilotes aussi expérimentés, ça fait plaisir !

Reshad de Gerus holding a flag

Tu arrives à y retourner souvent avec ton agenda qui est chargé, et est-ce que tu as des projets sur l’île afin d’aider d’autres pilotes Réunionnais ?

J’essaye de rentrer assez souvent, au moins une fois par an, généralement pour les fêtes de fin d’année, si j’ai du temps, je rentre aussi pour les vacances de juillet, août. Pour l’instant, je n’ai pas de projet là-bas parce que je me concentre vraiment sur ma carrière et le travail de coach que j’ai à faire avec Lorens c’est déjà pas mal.

Après c’est sûr que pourquoi pas à l’avenir pouvoir aider les gens là-bas ça serait vraiment un objectif parce que voilà moi, je suis parti de rien, donc pouvoir un peu guider ces personnes qui aimeraient sauter le pas comme moi, ça serait quelque chose que j’aimerais beaucoup, j’aimerais beaucoup entreprendre.

Merci d’avoir pris de ton temps pour répondre a nos questions, une petite dernière sur le ton de l’humour, tu as glissé ton CV de pilote sur le bureau de Bruno Famin (vice-président « Motorsport » de l’équipe Alpine F1 et Endurance) pour roulé dans l’Hypercar en WEC l’année prochaine ?

Forcément, le fait d’être réserviste pour eux cette année, j’étais dans l’obligation de glisser mon CV, donc voilà, on va voir ce qui est faisable pour la suite, c’est sûr que l’objectif, ça serait de pouvoir continuer à contribuer et travailler avec l’équipe. Donc j’espère pouvoir répondre à ta question d’une meilleure façon d’ici à la fin de l’année !

Ils sont encore à l’heure actuelle en train de finaliser leur pilote officiel pour la saison prochaine donc va y avoir du lourd, la seule chose que je peux dire, c’est qu’il va y avoir des gros noms !

Merci beaucoup Reshad de Gerus d’avoir répondu à nos questions.

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